par Bracam » Dim Juil 18, 2010 3:26 pm
Ouais alors, tu as prévu quelque chose pour ceux qui s'inscrivent et ne communiquent que par message perso, posant une nouvelle question en réaction à une réponse qu'on leur a apportée longuement ?
Je n'approuve pas ta décision, Claude ; pour ce que j’en ressens, elle procède d’un règlement de compte impossible, le précédent survenu sur le forum ayant été particulièrement odieux sans doute. Il doit être possible, en tant qu’auteur et donc responsable-propriétaire d’un texte de le modifier sans limitation de temps, de la manière dont on pense pouvoir ou devoir le faire. Est-il vraiment question "d'irrespect", et de cela uniquement, comme la tentation de cet argument se fait jour, lorsqu’un auteur, pour des raisons qui lui sont propres, modifiera ou pire, radiera sa contribution ? Plutôt que l’irrespect, il s’agira parfois simplement d'ignorance de règles qui changent à grande vitesse, dans la mouvance du net. TES règles sont-elles connues, acceptées, partagées par l'ensemble des internautes, parfois à peine "nourris" ? Comment peux-tu penser qu'ils sont perméables aux belles conceptions du savoir-vivre judéo-chrétien de vieux croutons dont je me réclame, éduqués dans le respect de la société des années cinquante-soixante ?
Je ne suis pas en train de te dire qu'il faut fermer le ban, baisser les armes, certes non ! Mais l'effort éducatif est devenu plus compliqué, dans un monde prétendument multiculturel, et peut-être que certaines mesures que tu estimes anti-démocratiques doivent être prises plus fermement et individuellement, après négociation et explication, à l'adresse de la personne qui piétine manifestement et volontairement les règles qu'on lui a proposées, valables ici et peut-être nulle part ailleurs. Donc oui, en de rares occasions, la modération ciblée me semble devoir s’imposer. Il en va autrement de mesures coercitives, censées éradiquer tout risque que se reproduise un accident de parcours totalement isolé, dont l’application va emm… toute la collectivité jusqu’à la fin des temps.
Je conteste la dérive actuelle, visible partout, en nous (en moi, ok) et dans la société, qui fonctionne à mon sens sur un système référent d’intolérance croissante à l’égard de tous les petits événements qui s'accumulent obligatoirement tout au long d’une vie (la nôtre, en l’occurrence). Avec l’âge, il n’est pas rare qu’un raidissement se produise, c’est même plutôt un sacré lieu commun que de le rappeler. Mal éduqués, différemment dirons les défenseurs du changement que je déteste et les zélateurs de la diversité, des armées de mal dégrossis vivant encore chez papa maman t’enverront faire f… après t’avoir écrasé dans la porte sur leur passage, et gare à ne pas te faire piquer si tu réagis.
On n’en est pas là sur Planet, ou je me trompe ? Par contre, permets-moi de t’assurer que ta réaction de bouclage de l’édition est disproportionnée. Je la vois directement liée à ce principe d’accumulation de petites irritations que nous subissons tous au jour le jour, souvent sans rapport avec le sujet. Un psychologue imagerait la situation en décrivant la manière dont nous collons un post-it à chaque égratignure. Ce n’est qu’un tout petit accroc, nous ne réagissons pas. Vient le suivant, que nous notons aussi. Un jour, c’est le bureau qui déborde sous les papillons colorés devenus insupportables, et un coup de sang nous prend, un désir d’ordre, une envie de tuer peut-être. Alors le premier clown qui passe ramasse tout le poids de notre colère accumulée, un gros coup de canon.
Certes, on sera probablement tenté de dire que j’exagère. Il n’en est rien évidemment. Ma description s’applique aux micro-événements comme aux séismes de société : il s’agit d’un principe général. Parlons de démocratie encore. En ce nom, qui invoque tout ce que l’homme occidental produit de meilleur à titre moral, on voudrait, souvent, réduire l’ensemble de la planète à notre interprétation de règles très générales, à mon sens vitales en effet, dont nous avons saisi et interprété tout ou partie de l’immense et inaccessible continent. Appliquée aux forums, l’interprétation n’est pas moins complexe que dans la vraie vie, selon l’expression consacrée. D’aucun voudraient voir, sur les sites ouverts par Pierre ou Jacques, une application très partielle, partiale, mais supposée juste, de ces règles. Soit qu’ils soient eux-mêmes régulateurs de tels lieux, soit qu’ils s’en imaginent les propriétaires et fantasment sur les mesures d’autorité qui leurs s’y octroieraient, dans le plus grand respect de la règle (laquelle ?).
Mais surtout, il paraît que les sites sur internet seraient des lieux privés dans lesquels s’appliqueraient avec autant ou plus de rigueur des préceptes de bienséance exigés légitimement de l’hôte qui accueille des gens de passage ou des amis dans son salon. Pourtant, internet n’est pas mon salon, mais un lieu très public. Je peux évidemment privatiser le site que je décide d’ouvrir, et c’est une démarche différente. A mon sens, lorsqu’il est question d’autorité du propriétaire d’un site généraliste, c’est le principe de la plus grande souplesse qui doit s’appliquer toujours, sous peine de tomber presque immédiatement dans l’autoritarisme, très éloigné des aspirations à la démocratie dont l’auteur se prévaut souvent. On le constate, nombre d’entre eux tombent dans le piège, et combien y trouve-t-ils du plaisir ?
Oui, l’animateur d’un site est chez lui. Il a donc la maîtrise, et la responsabilité légale, de ce qui s’y échange. Non, je n’imagine pas d’obligation d’y appliquer un fonctionnement prétendument démocratique mais sans réflexion, c’est évident. Oui encore, Claude le dit, la modération sur Planet est plus que discrète, la convivialité en règle générale excellente. C’est donc sur cette constatation, à défaut de toute autre, qu’il me semble prioritaire de persister à construire nos rapports. Mais voilà qu’un fâcheux renouvellerait une pratique survenue une unique fois, en supprimant le contenu de ses posts. La réaction de Claude est disproportionnée et inutile à mon sens, un peu comme celle qui nous anime soudainement lorsque nous décidons de brûler tous nos « post-its », de nettoyer les écuries d’Augias, de passer le Kärcher. La modération, la gestion au quotidien de notre environnement est une lutte incessante, pénible à coup sûr, usante certainement, d’un intérêt très limité. Pourtant, nous ne pouvons que rarement prendre des mesures radicales, qui résoudraient pour toujours telle ou telle difficulté (si peut-être : tuer le père, mettre fin à ses jours, divorcer ?). Nous ne pouvons pas manger une fois pour toute, nous rendre à notre travail et n’en pas revenir, embrasser sous une lune de miel infinie.
Le forum pèse donc son lot de tâches répétitives, chronophages, parfois horriblement décevantes, mais la baguette magique qui les efface d’un coup n’existe pas. Le respect sur un forum doit être partagé, et c’est difficile, peut-être plus particulièrement pour son animateur (et propriétaire), confronté à mille sensibilité, cinq cent tronches, cinq rusticités qu’il faut alors recadrer. Une fois ceci fait, d’autres, différents peut-être, viendront salir le paillasson ou le hall d’entrée. A ceux-là, l’hôte prendra la liberté de faire connaître les règles, comme il l’a fait auparavant pour les autres. Sans plus de sévérité, en remettant sans fin l’ouvrage sur le métier. L’histoire est un perpétuel recommencement ; chaque rustre qui débarque, ou simplement pratiquant d’autres règles sans le savoir, a besoin du même savoir que le précédent, à qui il n’est en rien lié. Nous voudrions, symboliquement, n’avoir à dire les choses qu’une fois. Puisqu’elles sont « vraies », elles seraient dites pour toujours : ce n’est pas possible. Il n’est pas besoin d’être enseignant pour s’en convaincre : chaque année vient une nouvelle volée d’élèves, tout est à recommencer. Nous-mêmes, sommes-nous adultes autant que nous le prétendons ?
Nous défendons des valeurs : nous allons devoir les répéter encore et encore, puis nous devrons évoluer nous aussi. Peut-être est-ce le plus difficile, car nous aurons l’angoisse de nous trahir. Pourquoi défendre le présent lorsqu’il nous semble que nous allons le renier demain ? Nous avons décidé de tenter de respecter notre semblable. J’aimerais que ce respect comporte le droit pour un auteur de supprimer ses contributions. On commence désormais à s’intéresser réellement au problème de la mémoire d’internet, qui est sans fin, et au droit à l’oubli. Cela fait partie de questions totalement nouvelles, dans leur essence, et dans les réponses que nous devrons y apporter. Celui qui écrit un livre, un article, celui qui alimente une discussion sur un forum, tous sont réputés responsables de leurs propos. Ils peuvent être poursuivis en cas de dérive, et cela se confirme sur internet.
En contrepartie, chacun doit pouvoir retrancher, modifier ou effacer une contribution, avec peut-être l’obligation morale de l’expliciter. On peut discuter de la manière de le faire, mais un animateur devrait, à mon sens, accepter d’effacer toute trace du passage d’un contributeur, si les raisons personnelles sont motivées, même s’il ne les comprend ou ne les partage pas forcément. Ceci à titre d’ultime recours évidemment, et non pas au gré d’humeurs changeantes du posteur. Et pour l’affranchir de ce pensum, il restait, jusqu’à présent, la possibilité légitime pour chacun de procéder à la modification de ses porpres écrits. Par sécurité, le site rajoute dans de tels cas la mention de l’édition survenue. La correction voudrait aussi que dans ce cas, le contributeur mentionne la teneur de la modification apportée.
Le respect, mais lequel, j’insiste, et selon quelles règles ? exigerait du forumiste qu’il renonce à toute suppression de texte : pourquoi cela ? Je partage ce sentiment pour le principe, mais il est possible de voir les choses autrement. Quoi qu’il en soit, chacun peut le comprendre s’il en reçoit l’explication à titre personnel, comme étant la règle pratiquée par l’animateur du site. Il devient alors possible, en cas de mauvaise volonté avérée de l’interlocuteur, de modérer ses écrits ou de fermer son compte. Cela relève aussi de la démocratie évoquée… Bref, je ne rêve plus guère d’un monde meilleur (idéal à ma façon) ! Mais, force est de le constater, tout ce qui devient contrainte autoritaire le rend plus difficile chaque jour. Mes post-its à moi sont faits de milliers de rebuffades, humiliations, infantilisations, sanctions qui, je l’avoue, me font détester en bloc les principes du flicage d’une société qui dérive très dangereusement.
Laissons libre l’édition des textes par leurs auteurs ! Trois fils de discussion deviendraient-ils incompréhensibles ? Mes pauvres chéris, comme c’est douloureux ! Et si rare qu’on n’a pas réussi à dénombrer plus de deux contrevenants en combien d’années d’existence de Planet ? Trois, quatre ans ? Cinq ? Quand je vois à quel point mon intelligence est limitée, la manière dont pour moi une discussion (parfois « trollée ») est devenue inaccessible et ses renseignements capitaux introuvables, parce que perdue dans les caves du forum ; quand je constate à quel point une contribution sur internet n’a de valeur, si elle en a, que durant quelques mois, je reste convaincu qu’il est parfaitement acceptable qu’une discussion sur mille, dont la qualité n’est pas garantie par nature, puisse être par hasard amputée de quelques lignes. C’est sans intérêt, et d’une gravité inexistante pour la lecture de l’internaute (dont on supposera qu’i dispose de plus d’un neurone).
Lorsque nous parlons de débats qui sont des contributions élaborées, des tutoriaux, c’est autre chose. Mais quoi qu’il en soit, il reste une part d’impondérable dans les relations humaines, que les règles pouvant aller jusqu’au totalitarisme n’ont jamais résolu. Parlons de respect oui, mais alors de manière parfaitement équitable : c’est le plus difficile à pratiquer, avec ici la promesse que chacun puisse gérer ses contributions sans limites de temps. Claude, merci pour Planet.
Bernard Bracam
ps : édité cinq fois pour des bricoles, malgré une rédaction dans Word ; faut plus que je me relise, moé...
San Marco pract-e 95 - Santos 6 - Mazzer SJ - T69 - La Pavoni "mignon"